PARIS - Il aura suffi que Isabelle Boulay, après une absence de près de
trois ans, réapparaisse sur la scène de l'Olympia, moulée dans une
longue robe, pour que le charme opère. Vendredi soir, avec élégance et
simplicité, la Gaspésienne a reconquis sans mal le public parisien, qui
l'a longuement applaudie avant même qu'elle ne chante sa première note.
Isabelle Boulay donnera trois concerts à l'Olympia, trois concerts
qui s'annoncent déjà comme le moment fort d'un tournée européenne de
trois mois entreprise le 14 mars à Nantes, quelques jours à peine après
la sortie son dernier disque, "Nos Lendemains", enregistré à Paris.
Mis en scène par Yves Desgagnés, le spectacle est le même qu'au
Québec, avec son très beau décor: un rideau de scène rouge aux larges
drapés, devant lequel s'étend un plan incliné, dont Isabelle Boulay
occupe le centre, flanquée de part et d'autre de ses six musiciens.
Dans la salle vendredi soir se trouvaient le légendaire parolier
Jean-Loup Dabadie, et Maxime Leforestier, qui lui ont écrit des
chansons. Sur scène, Benjamin Biolay et Julien Clerc sont venus chanter
en duos avec la chanteuse rousse "Ne me dis qu'il faut sourire" et
"Reviens, reviens".
Isabelle Boulay, qui a toujours su s'entourer des meilleurs auteurs
français, occupe une place à part en France. Perçue comme une chanteuse
de variétés (populaire) de qualité, elle a échappé à l'étiquette de
"hurleuse" qui colle à la peau de la plupart des Québécoises. C'est
comme si la chanteuse à voix était devenue chanteuse à textes, pour
reprendre la formule d'un journal français. Aujourd'hui, en raison de
sa culture musicale, Isabelle Boulay pourrait presque apparaître comme
la plus française des chanteuses québécoises, mais aussi comme la plus
"country" des chanteuses françaises.
Libérée, visiblement épanouie, elle ose désormais le grand écart
entre l'accordéon et la "pedal steel" country. Elle donne ainsi toute
la mesure de son talent, interprétant ses plus récentes chansons sans
effets de voix inutiles, avant d'enchaîner, à son autre manière, sur
ses plus grands succès : "Parle moi", "Un jour ou l'autre", "Je
t'oublierai". Elle n'hésite pas non plus à être carrément rock - comme
dans "Déjeuner en paix", de Stephan Eicher - ou résolument kitsch, avec
"Coucouroucoucocu Paloma", en hommage à Nana Mouskouri.
Mais surtout, même ici, Isabelle Boulay se révèle éminemment
"western", comme dans son disque précédent, "De retour à la source",
plus ou moins inédit de ce côté-ci de l'Atlantique. Sur la scène de
l'Olympia, elle a revendiqué haut et fort ses racines "country", son
enfance gaspésienne et sa tante Adrienne.
"C'est la musique du cur", a-t-elle dit.
En tout cas, c'était sans doute la première fois que "J'ai un amour
qui ne veut pas mourir" résonnait dans le célèbre music-hall. Un
triomphe. Il ne manquait que Renée Martel.
Par Michel Dolbec , La Presse Canadienne
interview
ISABELLE BOULAY - Loin de l’artillerie
lourde de ses consoeurs québécoises, Isabelle Boulay a toujours été
hors catégorie. À part. Loin devant. Interview à son hôtel.
De
la petite fille qui chantait debout sur un juke-box en Gaspésie pour
divertir les clients du restaurant de ses parents à Starmania, en
passant par la country, la variété et la chanson réaliste, sa carrière
est un onctueux mélange de styles et d’émotions. Pour Nos lendemains,
son nouvel opus en studio, la Gaspésienne a dompté sa puissance vocale
pour nous offrir un beau bouquet de chansons d’auteurs canadiens et
français, ciselées dans de la dentelle, servies par une voix plus
céleste, aux interprétations plus en finesse, et dont la simplicité et
l’épure des arrangements confèrent une intimité particulière. Un art de
chanter qui évoque l’expressionnisme. Entre le Canada et la France,
cette artiste sincère et humble n’a jamais dérogé de sa ligne
directrice : trouver sa vérité profonde.
Vous ouvrez votre disque sur une chanson de rupture et
l’invocation d’une femme toujours amoureuse malgré la fin évidente de
son histoire. Drôle d’entrée en matière !
J’ai tenu à faire figurer cette chanson au début justement car elle
sort du romantisme primaire. J’étais moi-même une romantique invétérée
à vingt ans, et je n’aime plus aujourd’hui de la même manière. Je
trouvais intéressante l’ambivalence du texte et de la musique. J’aimais
l’idée de débuter ce disque par un peu de cynisme et d’espièglerie.
Cette femme assume sa rupture. Elle en veut à l’homme qu’elle a aimé,
mais esquive son chagrin et entrevoit le bout de la douleur.
Il y a un nouveau son très épuré et dépouillé dans ce
disque. Provient-il de l’arrivée dans votre équipe du réalisateur
Dominique Blanc-Francart ? Comment s’est déroulée votre collaboration ?
C’est un bel alchimiste. Cela faisait près de quinze ans que je voulais
travailler avec Dominique Blanc-Francart, depuis que je l’avais repéré
sur les albums Engelberg et Carcassonne
de Stéphan Eicher. Je suis très attachée à la manière dont les disques
se font, et j’ai toujours été attirée par les réalisations dépouillées.
La première fois que je me suis rendue à son studio, j’avais amené une
version que j’avais enregistrée de Coucouroucoucou Paloma et nous avons débuté le travail ainsi, en définissant une direction sonore.
Et, justement pour quelle raison avez-vous souhaité
reprendre ce titre, initialement créé en 1968 par Nana Mouskouri, qui a
quand même quarante ans ?
Ma mère m’a racontée qu’à l’âge de huit mois déjà, quand elle mettait
les chansons de Nana Mouskouri, je me mettais à frémir. Des années plus
tard, quand j’ai vu le film de Pedro Almodovar Parle avec elle
et entendu la superbe version de Caetano Veloso, tout ce passé m’est
revenu. La chanson m’est restée et est redevenue une manière pour moi
d’aller parler à mes souvenirs. Avec Dominique Blanc-Francart, j’ai
voulu retrouver dans cette chanson à la fois le chic, la classe et
l’élégance de cette chanson.
Il y a également une chanson italienne, L’appuntamento.
Pour quelle raison et avez-vous pensé à rechercher une adaptation
française de ce standard italien immortalisé par Ornella Vanoni,
ressuscité récemment dans la bande originale d’Ocean’s 12 ?
Avec L’appuntamento,
nous voulions garder le charme italien un peu suranné et amener cette
chanson dans la modernité. Nous avons essayé plusieurs adaptations et
j’espère, un jour, recevoir de Roberto Carlos son approbation pour en
livrer une version française.
Vous aimez l’Italie ?
Oui, avec la Corse. Ces peuples sont assez proches des Québécois. Les
Corses vivent dans une sorte de vérité sauvage, complètement au coeur
de la vie. En Italie, nos codes de vie se ressemblent. Je me sens
proche de leur philosophie de vie, de la sensualité à l’italienne et de
l’attrait du plaisir. J’aime la musicalité de la langue. Je me sens
comme chez moi en Italie. Ils râlent toujours avec le sourire. J’y
avais tourné dans un petit village près de Rome mon clip de la chanson
Une autre vie.
Nos lendemains décline différentes manières d’aimer. L’amour, c’est votre sujet de prédilection ?
C’est la plus grande question que je me pose. L’amour est le plus grand des mystères.
Vous croyez à l’amour ou vous pensez que “les histoires d’amour finissent mal en général” ?
Dans les rapports très passionnels, les histoires un peu pathologiques
et fusionnelles se terminent toujours dans le drame. Mais, quand un
amour est arrivé à maturité et qu’il s’émousse, on peut avoir la
sagesse de se dire que cette relationest arrivée à son terme et se
quitter. On a du chagrin, bien sûr, mais je crois que les liens se
transforment, après... D’une manière générale, cet album est un album
de maturité amoureuse, il porte en lui la possibilité de s’ouvrir à une
autre vie, à d’autres lendemains. Avec l’âge, on gère mieux le rapport
à l’amour.
L’artiste Isabelle Boulay et la femme Isabelle sont-elles réconciliées ? Où en êtes-vous?
Là, j’y suis vraiment. Avant, il y avait une espèce de lutte autour de
la place que prenait la chanteuse dans la vie de la femme. Là, j’ai
vraiment intégré la chanteuse parce que j’ai bien compris que j’allais
être une chanteuse toute ma vie et que je devais l’accepter. J’ai
réconcilié les deux. Peu importe que je sois une amoureuse, une mère.
Je serai aussi toujours une chanteuse.
Cette dichotomie entre la chanteuse et la femme se sentait dans vos albums d’ailleurs. On percevait les fêlures…
Il y avait plus de pesanteur dans ma façon de chanter. Je voulais
davantage être dans le plaisir dans cet album. J’ai réussi à concilier
les souhaits que j’avais avec mes accomplissements.
Comment vous est venue l’idée d’adapter Tomorrow in your eyes de Ron Sexsmith ?
J’ai fait entendre à Guillaume Vigneault, fils du chanteur Gilles Vigneault, quelques chansons de Ron Sexsmith. Retriever est mon album préféré de Ron et Tomorrow in your eyes
est la chanson d’amour la plus belle qui soit. Elle est synonyme
d’espace et de liberté. Quand Guillaume est arrivé à la maison, il
voulait essayer de faire des chansons en français aussi belles que
celle-là en anglais. Sans me le dire, il a commencé à travailler sur
une adaptation. Il est revenu un matin avec les deux tiers de la
chanson, et je l’ai aidé à la terminer.
Julien Clerc vous a composé Juste une étoile et Reviens, reviens, reviens sur cet album. Encore un rêve d’enfant réalisé ? Vous aviez déjà repris Le coeur volcan dans votre dernier spectacle et vous l’aviez invité sur la scène de vos derniers Olympia pour chanter en duo Les séparés…
Oui, car j’ai beaucoup écouté Julien Clerc et notamment Coeur de rocker
qu’avait écrit Luc Plamondon. Je mesure ce privilège car ses musiques
m’ont toujours accompagnée et se raccrochent à des souvenirs. Reviens, reviens, reviens est la première chanson que j’ai reçue de sa part.
Nos lendemains est aussi marqué par un changement
de casquette, puisque Benjamin Biolay a laissé son habit de réalisateur
pour celui d’auteur-compositeur. Qu’est-ce qui vous a séduite dans sa
chanson Ne me dis pas qu’il faut sourire ?
Il m’a vraiment fait un beau cadeau ! Mais, il n’est pas le seul à
avoir changé de rôle. Alain Lanty, par exemple, que j’avais croisé en
tant que pianiste, se retrouve aussi compositeur. Quant à Benjamin et
moi, nous étions en studio au même moment. Lui, travaillait sur Trash Yéyé
et moi, je faisais des allers-retours entre Paris et Montréal pour
construire mon disque. Un jour, Dominique m’a demandé si je voulais un
titre de Benjamin. Il savait qu’il avait écrit une chanson spécialement
pour moi et a joué l’intermédiaire. Lors de ma visite suivante, il m’a
fait écouter Ne me dis pas qu’il faut sourire. Dès que je
l’ai entendue, il était évident qu’elle serait sur mon album. Il y
avait dans cette chanson une langueur presque érotique, que je n’aurais
pas chantée si Benjamin n’y avait pas pensé pour moi.
Je ne m’effraie pas d’un futur obscur chantez-vous dans Nos lendemains. Cette confiance dans le futur, c’est votre état d’esprit actuel ?
Absolument. Si j’ai envie de quelque chose, je le fais et je ne me
demande plus si c’est bon ou non pour ma carrière. Je me laisse
davantage porter qu’avant car je me sens tout simplement plus libre.
Concernant la comédie, vous avez fait une apparition dans Le coeur a ses raisons, un feuilleton parodique où vous jouiez une hôtesse de l’air... Le cinéma vous tenterait-il ?
Je pensais que cela passerait inaperçu en France ! Je l’ai fait
uniquement par amitié pour Marc Labrèche et beaucoup par plaisir.
J’adore cet homme, il me fait rire. Nous avions déjà fait des sketches
ensemble à l’occasion d’une émission spéciale. C’était l’occasion de
partager de nouveau quelques éclats de rire. Je suis loin de me
prétendre actrice. En revanche, j’aime l’autodérision.
Quelle va être la couleur de votre spectacle à l’Olympia ?
Je vais faire entrer mon public dans ma boîte à musique. Nous jouerons
sept chansons du nouvel album, mais je reprendrai aussi des morceaux
plus anciens comme Je t’oublierai, Je t’oublierai, Parle-moi ou Mieux qu’ici-bas. Il y aura aussi une partie country, notamment une chanson que chantait ma tante Adrienne : J’ai un amour qui ne veut pas mourir et les arrangements seront fidèles à cet album, sauf deux chansons assez rock. Je revisite même Déjeuner en paix !
Que vous inspire le chemin que vous avez parcouru jusqu’ici ?
Je suis heureuse d’être là et d’être entrée dans l’espace dans lequel
je voulais être. Je n’ai pas échappé à mon destin. Je travaille avec
des gens qui m’ont fait rêver et qui m’amènent plus loin que là où je
suis déjà allée. C’est une des plus belles périodes de création de ma
vie ! Je suis comblée. Je travaille fort mais je fais le métier que
j’aime et surtout je le fais de la façon dont j’ai envie de le faire,
et ça c’est un luxe incroyable.
Par La rédaction,
jeudi 13 mars 2008 à 08:58 - Interview
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interview 2
Vous avez enregistré votre nouvel album au Studio Labomatic de Dominique Blanc-Francard. Pourquoi ce choix?
Je voulais travailler avec Dominique Blanc-Francard depuis plusieurs
années. J'avais adoré son travail sur les albums de Stéphane Eicher,
notamment Engelberg. Je suis très sensible à sa démarche, enregistrer
dans des lieux atypiques, comme une chambre d'hôtel, un château à
Carcassonne, chercher où l'instrument résonne le mieux... Pour Nos Lendemains,
j'ai vécu l'une des expériences d'enregistrement les plus bénéfiques
pour moi. Auparavant, quand je travaillais en studio, je me sentais
comme dans un laboratoire, un peu comme si j'étais dans un incubateur.
Là, on a bossé de façon plus artisanale, pour être au plus près des
chansons, elles ont été enregistrées en live, en petite formation. On
ne cherchait pas forcément la perfection, plutôt trouver la justesse de
l'émotion, la vérité de chaque chanson. Ça m'a donné un autre souffle,
plus de liberté dans l'interprétation et je me suis autorisé une forme
d'abandon.
Vous avez réuni une équipe d'auteurs-compositeurs de premier choix...
Oui une équipe de rêve. Certaines chansons ont vraiment été conçues à
l'ancienne, comme celle écrite par Julien Clerc et Jean-Loup Dabadie
qui m'a fait rêver avec tous ses beaux textes écrits pour Serge
Reggiani. Ils me l'ont envoyé sur une vieille cassette! C'était
charmant, à l'ère de l'Internet.
Et comment s'est passée la collaboration avec Benjamin Biolay?
Benjamin travaillait dans le studio juste à côté. Et un soir, il a
laissé une chanson à Dominique Blanc-Francard. Dès la première écoute,
j'ai eu la conviction que cette chanson allait être le coeur de mon
album. Avec Benjamin au piano, on l'a enregistré en deux prises.
J'adore son jeu, sa langueur, il a une façon de jouer sans jouer.
On vous imagine plutôt loin de son univers...Au contraire, je
suis très sensible à son univers, son romantisme noir, ses chansons
d'amour un peu cyniques et fatalistes. Mais il ne s'agit d'un cynisme
plutôt souriant. Comme pour Jean-Louis Murat, il existe toujours une
brèche pour respirer et s'échapper. Sinon, j'exècre le cynisme pur.
Mais Benjamin n'est pas quelqu'un de catégoriquement cynique. En fait,
je préfère parler d'une lucidité. Mais une lucidité extrême. Et ça me
touche. Je me dis souvent, que si j'étais un garçon, je ressemblerais
beaucoup à Benjamin Biolay dans le caractère, ma part virile est très
proche de la sienne.
"Chanter l'amour du point de vue masculin"
Et Jean-Louis Murat?
Je ne l'ai pas encore rencontré, mais je me sens beaucoup d'affinités
avec Jean-Louis. Mon père vivait comme lui, dans un chalet au milieu de
la nature, loin de tout, libre. J'ai grandi en Gaspésie, une région
très sauvage, aride, dure, la vraie vie. Mon père était issu d'une
fratrie de 14 enfants, il était fils d'ouvriers cultivateurs, il a vécu
dans la pauvreté, il a dû travailler sur les chantiers dès 13 ans. Il
possédait également un restaurant avec un bar. Des musiciens jouaient
pour un public de gens esseulés et de coeurs brisés. C'est là que je
fis mes premières scènes, j'y ai chanté régulièrement de 7 à 11 ans. Ce
restaurant, c'était un peu le refuge du village. Il était courant de
voir des femmes violentées arriver en pleurs chez nous.
Isabelle Boulay revendique son côté 'country'. (Pierre CHOINIERE/DR)
L'amour reste le thème central de vos chansons. Pas envie d'aborder d'autres thèmes?
Je n'ai pas encore fait le tour de la question! Juste une étoile
c'est une chanson sur le deuil, sur la perte de l'être aimé. Mais dans
cet album là, il y a beaucoup de chansons d'amour et d'espoir. Ce qui
n'était peut-être pas le cas dans mes autres albums, marqués par un
romantisme exacerbé, beaucoup plus lyrique.
Dans certaines chansons, vous semblez parfois adopter le point de vue de l'homme...
Oui, je m'octroie cette liberté: chanter l'amour du point de vue
masculin. Contrairement à ce qu'on peut imaginer les hommes sont plus
fragiles et se "commettent", s'impliquent dans l'amour plus qu'on ne le
pense. J'ai vu beaucoup plus souvent des amis masculins terrassés par
des chagrins d'amour et s'en sortir bien plus difficilement que
certaines de mes amies. Les hommes n'ont socialement pas le droit à
l'épanchement, à la peine, au chagrin. La douleur se vit de façon plus
pudique et introvertie, elle est presque enfermée chez les hommes. Et
je trouve cela intéressant à exprimer.
Vous avez publié l'année dernière un album en hommage à la musique country. Une passion de jeunesse?
J'ai grandi avec cette musique, j'ai commencé à chanter avec cette
musique, trop souvent mal connotée comme une musique nationaliste, une
musique de plouc et j'en passe... Moi j'ai vécu la musique country de
l'intérieur, les musiciens country sont les artistes les plus élégants
que j'ai pu rencontrer dans ma vie. Ils se présentent frais, dispos et
toujours bien mis. Ils possèdent une dignité, du coeur. Leur métier,
c'est leur ouvrage. Ils réconfortent les gens en souffrance, seuls,
désespérés, avec des chansons simples, sans prise de tête, mais qui les
amènent droit dans leur coeur. Donc dans mes spectacles, je vais
interpréter une petite dizaine de chansons country, pour faire
découvrir ce répertoire au public français. Et lui raconter aussi une
partie de mon enfance.
CD. Nos Lendemains (Polydor/Universal)
En concert les 21, 22 et 23 mars. L'Olympia.
presse 2008
Le dimanche 23 mars 2008
Isabelle Boulay: la consécration tranquille
|
Photo fournie par le producteur |
Louis-Bernard Robitaille
La Presse
Collaboration spéciale
Paris
Depuis ses débuts en solo en France, il y a sept
ou huit ans, Isabelle Boulay n'a pas vraiment changé. Même quasi
inconnue, elle avait de l'assurance, du sérieux et de la spontanéité.
Aujourd'hui c'est pareil. À Paris elle descend dans un palace qui doit
être le plus discret de la ville, à l'abri des curieux et des
paparazzis. Et, avec la simplicité des premiers jours, mais aussi une
grande connaissance du métier, elle parle du «privilège» qu'elle a de
rester tout en haut de l'affiche en France, plusieurs années après le
gigantesque succès de son deuxième album, qui a dépassé le million et
demi d'exemplaires vendus.
«Je suis vraiment contente, dit-elle en finissant son
thé nature, de constater que désormais je ne suis plus ici la
Québécoise qui débarque, mais que je fais un peu partie de la famille.
Je n'ai pas connu en France le succès instantané, il n'est pas venu
tout seul, et mes ventes se sont toujours étalées sur 18 ou 24 mois.
Mais les gens m'ont adoptée.»
Peu après midi et demi, en
professionnelle appliquée, elle est déjà en route vers l'Olympia, où
elle allait donner hier soir la première de trois représentations. À
guichets fermés bien sûr. Dans les débuts d'une tournée d'une
quarantaine de salles de 1000 à 2000 places - province française,
Belgique et Suisse.
S'il fallait une confirmation du fait que la
France l'a véritablement adoptée, on l'a le soir même à l'Olympia.
Salle (2200 places) comble jusqu'au dernier strapontin. Dans
l'assistance, on aperçoit quelques-uns des auteurs et compositeurs qui
ont contribué à ce dernier album, sorti le 3 mars en France: le
parolier Jean-Loup Dabadie et Maxime Le Forestier. Julien Clerc, lui,
n'est pas dans la salle, puisqu'il se prépare à interpréter avec elle
Reviens, reviens, reviens. Tout comme Benjamin Biolay, qui fera en duo
Ne me dis pas qu'il faut sourire. Son producteur, Gilbert Coullier,
superpuissance parisienne, est dans la salle.
La salle est non
seulement remplie à craquer, mais surtout pleine de fans enthousiastes
qui manifestement connaissent ses albums et font une ovation à ses
titres les plus connus, Parle moi, Mieux qu'ici bas, etc. Mais,
justement, comme elle fait partie de la famille, Isabelle Boulay s'est
autorisé le risque, exactement comme au Québec, de glisser une grosse
moitié de nouveautés dans son spectacle de 22 chansons. Les apparitions
de Julien Clerc et Biolay, certes, aident à faire passer les neuf
chansons de Nos lendemains qu'elle propose au public. Et, dans la
deuxième moitié du spectacle, on constate que les spectateurs
accrochent instantanément à la magie énergique de ses titres country,
presque aussi applaudis que ses tubes les plus connus.
Isabelle
Boulay, qui n'avait pas fait de grande scène parisienne depuis plus de
deux ans et demi, en est en quelque sorte au stade de la consécration
tranquille. Bien entendu, le score phénoménal de Mieux qu'ici bas n'a
pas été égalé avec le troisième album - qui a tout de même atteint les
600 000 exemplaires, un chiffre d'autant plus impressionnant
qu'entre-temps, l'industrie du disque a été frappée de plein fouet.
À
peine sorti le 3 mars dernier, Nos lendemains s'est installé solidement
parmi les 10 succès de la semaine, à la septième puis huitième place. À
Nantes et Tours, où elle a entamé sa tournée juste avant l'Olympia,
elle a fait salle comble dans des salles de quelque 1500 places. Et,
alors que la grande presse fait de moins en moins de critiques
d'albums, elle vient d'être couverte de fleurs, aussi bien par
L'Express («C'est une grande interprète. C'est rare.») que par Le
Parisien («Une chanteuse à voix vraiment pas comme les autres.») ou
même L'Humanité: «Un univers d'une grande élégance dans lequel la
chanteuse révèle l'étendue de son talent.» Le Soir, principal quotidien
belge, lui consacre deux longs articles élogieux. Indéniablement,
Isabelle Boulay fait partie du paysage musical français. Au premier
plan.
Elle-même, qui a connu à Paris les espoirs et les duretés
des premières parties de spectacle, avait décidé de donner sa chance à
la talentueuse Florence K. Laquelle, accompagnée de son clavier et d'un
seul musicien, un guitariste, a interprété avec grâce et modestie cinq
titres, dont Vol de nuit, qui commence à tourner sur Radio Bleue, une
filiale de France Inter (principale radio publique). Reçue
chaleureusement par le public d'Isabelle Boulay, Florence va aussitôt
enchaîner avec trois spectacles de Bernard Lavilliers, dont elle fera
aussi la première partie. Un an après l'excellente salle de L'Européen
à Paris, Florence K poursuit sa mise en orbite. En lorgnant quelques
grands festivals de jazz, de blues et de world music en France.